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Les crimes de Staline... Quelles preuves ?
21 mai 2012

24. Ce merveilleux "instinct rationnel" qui sait reconnaître les vertus de l'exploitation et de l'oppression

     La préface s'est donc achevée sur la scène primitive qui nous aura montré le couple Hitler-Staline enlacé dans une définitive étreinte, mais laissant inachevée l'horrible tâche qu'il s'était donné de mettre un terme définitif à ce qu'Hannah Arendt elle-même appelle "la conspiration juive mondiale, au sens des Sages de Sion".

   Voici qu'apparaît maintenant devant nous la première partie de l'ouvrage "Les Origines du totalitarisme". Elle a pour titre : "L'antisémitisme".

     Comment situer l'émergence de ce dernier phénomène ? Hannah Arendt s'en tient d'abord à une constatation de caractère général (page 219) :
     "Les faits montrent malheureusement que l'antisémitisme moderne prit de l'ampleur à mesure que le nationalisme traditionnel déclinait ; son apogée coïncida exactement avec l'effondrement du système européen des Etats-nations et la rupture de l'équilibre précaire des puissances qui en résultait."

     Cette cause ne pouvant être unique, il est alors possible d'en définir d'autres en prenant appui, selon Hannah Arendt, sur l'existence de "quelques règles générales utiles" (page 220) :
     "Dans le cas qui nous occupe, il y a la grande découverte de Tocqueville (dans L'Ancien Régime et la Révolution, livre II, chapitre I) : étudiant les causes de la haine violente des masses françaises pour l'aristocratie au moment où éclate la Révolution, une haine qui fit dire à Burke que la Révolution était davantage dirigée contre la 'condition de gentilhomme' que contre l'institution monarchique, Tocqueville montre que le peuple français haïssait les aristocrates près de perdre leur pouvoir plus qu'il ne les avait jamais haïs auparavant, précisément parce que la perte rapide de leur pouvoir ne s'accompagnait pas d'un déclin équivalent de leur fortune."

    Plus précisément, nous dit encore Hannah Arendt (page 220) : "Quand les nobles perdirent leurs privilèges, et en particulier le privilège d'exploiter et d'opprimer, le peuple vit en eux des parasites, sans aucune fonction réelle dans le gouvernement du pays."

     "Exploiter" économiquement, "opprimer" politiquement : nous sommes donc transportés dans le vocabulaire de Marx... Mais ce n'est manifestement pas ce qui intéresse Hannah Arendt : n'allons pas imaginer qu'elle nous tient ce langage par souci de dénonciation effective de l'exploitation ou de l'oppression...

    Dans l'analyse qui est la sienne, ces deux signes de l'absence réelle de démocratie économique et de démocratie politique ne sont pas une mauvaise chose, bien au contraire. Ils n'ont, en particulier, rien à faire avec un éventuel mécontentement populaire significatif (pages 220-221) :
     "En d'autres termes, l'oppression et l'exploitation ne sont jamais en tant que telles le véritable motif du ressentiment ; la richesse sans fonction apparente est beaucoup plus intolérable parce que personne ne comprend pourquoi on devrait la tolérer."

     Après la fin des Etats-nations, nous tenons donc, là, une nouvelle cause du problème qui nous occupe (page 221) :
     "De la même façon, l'antisémitisme atteignit son point culminant au moment où les Juifs avaient perdu leurs fonctions publiques et leur influence, et ne conservaient plus que leur richesse. Lorsque Hitler accéda au pouvoir, les Juifs avaient perdu presque tous les postes clés qu'ils avaient détenus pendant plus de cent ans dans les banques allemandes, qui étaient déjà presque toutes 'judenrein'." [Traduction fournie par une note : "Nettoyé de ses Juifs".]

     Certainement, nous ne parlons pas ici de l'ensemble des Juifs. Et Hannah Arendt en est bien consciente comme nous le verrons pas la suite... Il n'empêche qu'elle se garde bien, pour l'instant, de préciser ce qui n'est vraiment pas qu'une nuance sans grande importance...

     C'est ce que sous-entend la suite (page 221):
     "Si les hommes obéissent au pouvoir réel ou le tolèrent et si, en revanche, ils haïssent les personnes qui possèdent la richesse sans le pouvoir, c'est qu'il existe un instinct rationnel qui permet de pressentir que le pouvoir occupe une certaine fonction et possède une utilité générale."

     Un "instinct rationnel"... c'est tout juste ce que l'on appelle un canard à trois pattes... mais, puisque cela "existe", pourquoi pas ? Surtout que cela peut toujours servir, au cas où le bon peuple ne se calmerait tout simplement pas de voir s'agiter quotidiennement sous ses yeux les multiples triques... du pouvoir. Ce que madame Arendt connaît très bien d'ailleurs (page 221) :
     "Même l'exploitation et l'oppression servent à faire fonctionner la société et à y établir un certain ordre."

     Elle n'a rien à opposer à cela. Ce dont nous ne pouvons pas lui faire reproche, n'est-ce pas? Mais ce qu'il fallait tout de même préciser dès le départ.

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