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Les crimes de Staline... Quelles preuves ?
20 mai 2012

25. L'antisémitisme comme ressentiment devant une richesse qui paraît ne rien devoir ni à l'exploitation ni à l'oppression

     En réalité, l'ordre auquel se réfère Hannah Arendt est une chaîne, la chaîne de l'exploitation et de l'oppression. Ainsi, comment s'étonner qu'en cas de suppression de ces deux dernières, la chaîne puisse elle-même cesser d'avoir un quelconque poids? C'est pourtant ce que madame Arendt se refuse à admettre, en voulant voir dans cette chaîne non pas un instrument bien réel, mais l'effet d'un sentimentalisme réciproque dont on devrait regretter qu'il ne joue plus sur la relation interindividuelle lorsque celle-ci est vidée de son contenu très affirmé d'exploitation et d'oppression :      
     "Mais la richesse sans pouvoir et une réserve hautaine sans influence politique sont ressenties comme des privilèges de parasites, inutiles et intolérables, parce qu'alors les relations qui lient les hommes entre eux n'existent plus."

     Or, il faut y insister, les "relations" ne sont pas ici un fait de "réciprocité", d'"humanité", etc., mais la marque d'une chaîne qui fait de l'un le captif de l'autre... Que cette chaîne vienne à disparaître, et la relation se dénoue, sans qu'il soit nécessaire, pour expliquer ce "dénouement", de recourir à un quelconque "ressentiment", comme souhaite le faire Hannah Arendt pour des raisons idéologiques que nous découvrirons peu à peu...

     En effet, elle veut rester sur le terrain des "sentiments", d'une humanitarisation fictive des rapports d'exploitation et d'oppression. Voici ce que cela donne :     
     "A la richesse qui n'exploite pas fait défaut le lien qui, d'une certaine façon, unit l'exploiteur et l'exploité ; la réserve hautaine qui ne s'accompagne pas d'une politique donnée suppose que l'oppresseur n'éprouve même pas un minimum d'intérêt pour ceux qu'il opprime."

     C'est donc encore le discours pervers qui fait ici des siennes. En effet, c'est Hannah Arendt elle-même qui dit et répète que le fond de la relation qu'elle analyse est fait d'exploitation et d'oppression. Après quoi, il faudrait que le tigre dévorant sa proie éprouve un minimum d'intérêt pour elle, et ceci par-delà ce qu'il éprouve de la tendresse de sa chair... C'est peut-être beaucoup demander, sans que l'avantage pour l'animal désormais en charpie soit absolument évident.

     Or, c'est justement cette aptitude de savoir reconnaître chez l'oppresseur ce "minimum d'intérêt pour ceux qu'il opprime" qui serait détruite chez l'opprimé-exploité lorsque disparaissent ou l'oppression ou l'exploitation, engendrant ainsi un dangereux ressentiment chez l'ancienne victime pour son ancien maître... D'où résulterait l'antisémitisme qui, lui, est tout spécialement conditionné par une richesse désormais inexplicable du point de vue de l'exploitation et de l'oppression, puisqu'elle se tient dans le strict domaine de la finance... Mais là, nous anticipons. Revenons à Hannah Arendt elle-même.

     De façon générale, il existe, selon elle, une catégorie sociale qui, par-delà sa rupture avec le système de travail, et donc parce qu'elle aura été exclue des rapports de production, sera plus apte à voir, dans la richesse juive apparemment sans cause, un objet de haine. Voilà toute trouvée la masse de manoeuvre dont vont pouvoir se rendre maîtres ceux qui veulent mettre à profit les troubles sociaux nés du développement de la catégorie des nouveaux exclus. Utilisant un vocabulaire qui en dit long, Hannah Arendt écrit (page 228) :
     "Par ailleurs, la populace moderne toujours plus nombreuse - c'est-à-dire les déclassés  de toutes les couches sociales - a produit des chefs qui, sans se demander si les Juifs étaient suffisamment importants pour servir à cristalliser une idéologie, n'ont cessé de voir en eux la 'clé de l'histoire' et la cause principale de tous les maux ; l'histoire des relations entre les Juifs et la société doit donc nous indiquer les raisons de cette hostilité entre la populace et les Juifs."

     Ainsi toute sortie hors des chaînes de l'exploitation et de l'oppression qui sont le fait  du capital industriel et commercial - sous le contrôle d'un capital financier personnifié, pour des raisons qu'Hannah Arendt énumérera plus tard, par les Juifs -, débouche, pour celles et ceux qu'elle frappe, sur une chute dans cette "populace", dont la caractéristique principale est d'être animée d'un très fort ressentiment personnel envers les financiers juifs autrefois bénéficiaires d'un statut spécial garanti par les divers Etats-nations avec lesquels ils avaient coutume de travailler.

     Très clairement favorable au système d'exploitation et d'oppression qui caractérise l'économie de marché, Hannah Arendt rabat la mise en cause politique des chaînes imposées au prolétariat sur un prétendu ressentiment personnel de la populace envers les Juifs.

     Ainsi Staline ne doit-il pas être perçu comme mettant en oeuvre les résultats d'une analyse marxiste, mais comme incarnant, à lui tout seul, les pires déchaînements de la... populace. Réussir à supprimer tout l'arrière-plan marxiste de sa démarche, c'est faire disparaître la mise en question radicale et scientifique de l'exploitation de l'être humain par l'être humain. C'est là où aura résidé, pour la seconde moitié du XXème siècle au moins, la réussite, apparemment définitive en Europe, d'Hannah Arendt et de ses alliés.

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