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Les crimes de Staline... Quelles preuves ?
20 février 2012

55. Quand Boukharine ne peut plus que faire face à lui-même...

Confronté à la modération de Staline, coupé de ses alliés de gauche, Boukharine n'en continue pas moins à se comporter en donneur de leçons de droite, le problème étant que c'est bien une majorité, dont, pour faire image, on pourrait dire qu'elle est au centre, qui soutient la politique suivie par Staline. Ainsi les résultats ne devraient-ils pas plus surprendre Robert Conquest que nous :
"En janvier 1929, Boukharine soumit au Politburo une déclaration qui réprouvait les mesures d'urgence destinées à écraser les paysans et critiquait l'absence de démocratie à l'intérieur du Parti. Elle comportait les remarques suivantes : « Nous sommes oppo-sés à ce qu'un seul homme décide des questions relatives à la direction du Parti. Nous refusons d'admettre qu'un individu, aussi élevée que soit sa position, substitue son auto-rité à celle d'un corps collectif. » Ces propos furent jugés « calomnieux à l'égard du Parti et du camarade Staline auquel ils prêtaient l'intention de s'attribuer la direction unique du Parti »." (quatorzième paragraphe en entier)

C'est qu'il ne suffisait pas d'attaquer la personne de Staline. Pour modifier la politique suivie par l'Union soviétique dans son ensemble, il eût fallu en conquérir la majorité. Cela était manifestement hors de portée de Boukharine et de l'ensemble des manoeuvres plus ou moins habiles qu'il lui arrivait de vouloir développer en secret avec la gauche. Mais il paraît que l'idée même de majorité ne l'intéressait en aucune manière. Comme ses alliés de gauche, il était fasciné par ce qu'il croyait être le coeur de l'exercice du pouvoir : cette jouissance dont il imaginait qu'elle accompagne la mise en oeuvre d'un arbitraire plus ou moins dictatorial. Selon lui, c'était ce que Staline avait atteint. Et c'est pourquoi Boukharine se trouvait fasciné par un personnage issu de ses propres fantas-mes et auquel il ne pouvait plus prêter que des intentions tout simplement diaboliques...

Alors qu'au fond de lui-même, il ne pouvait, dès cette époque, manquer de savoir ce qu'il finira par avouer dans la lettre strictement confidentielle qu'il a adressée à Staline le 10 décembre 1937, peu de temps avant l'exécution de la peine de mort à laquelle il avait été condamné à la suite des aveux qu'il avait cru bon de faire (les soulignés sont de lui) :
"J'ai mûri, je comprends que les grands plans, les grandes idées, les grands intérêts sont plus importants que tout, que ce serait mesquin de mettre la question de ma mi-sérable personne sur le même plan que ces intérêts d'importance mondiale et histori-que, qui reposent avant tout sur tes épaules."

Ensuite, tandis qu'il affirme que les crimes qu'il a avoués n'ont eu aucune existence, on voit Boukharine faire tout pour se tromper lui-même, alors qu'il est manifestement en pleine conscience du caractère extrême de ce à quoi il s'est livré durant toutes ces an-nées :
"Et voici ce qui me tourmente le plus, le paradoxe le plus insupportable : Si j'étais absolument sûr que tu voyais les choses comme moi, alors mon âme serait délivrée d'un poids terrible. Eh, bien, que faire ? Puisqu'il le faut, il le faut ! Mais crois-moi, mon coeur saigne à la seule pensée que tu puisses croire en la réalité de mes crimes, que tu puisses croire, du fonds de ton âme, que je suis vraiment coupable de ces horreurs. Si tel était le cas, qu'est ce que cela signifierait ? Cela signifierait que moi-même je contribue à la perte de toute une série de gens (à commencer par moi-même), que je fais consciemment le Mal ! Dans ce cas, plus rien n'est justifié. Et tout se brouille dans ma tête, et j'ai envie de crier et de taper ma tête contre les murs ! En effet, dans ce cas, c'est moi qui cause la perte des autres. Que faire ? Que faire ?"

Ajoutons encore cette petite phrase de Boukharine qui aide à préciser la position de Staline durant cette longue période qui nous reconduit momentanément jusqu'au temps où Lénine était lui-même à la tête du parti bolchevique :
"Je considère que je dois expier pour ces années durant lesquelles j'ai réellement mené un combat d'opposition contre la Ligne du Parti."

Et non pas contre le seul Staline, petit homme comme tout un chacun.

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