42. L'immensité de la tâche léguée par Vladimir Ilitch Lénine à Joseph Staline

Pourquoi accorder la priorité au maintien de l'Union soviétique avant même de songer à l'extension de la révolution dans les pays capitalistes les plus développés ? Comme nous l'avons vu, Lénine avait dû admettre le fait que leurs classes ouvrières respectives n'avaient pas cru bon de s'orienter elles-mêmes dans cette direction. Notamment dans les pays vainqueurs, le mouvement général était à l'accentuation du caractère impéria-liste : il fallait, en particulier, "faire payer l'Allemagne"... la dépouiller de ses colonies, et renforcer la domination occidentale sur le reste du monde...

Pour sa part, Lénine développe son raisonnement de la façon suivante :
"D'autre part, précisément par suite de cette première guerre impérialiste, l'Orient est entré définitivement dans le mouvement révolutionnaire, et a été définitivement entraîné dans le tourbillon du mouvement révolutionnaire mondial."

C'est donc de ce côté que se trouve l'avenir de la révolution bolchevique. C'est à quoi elle doit prêter la plus grande attention.

Au regard du monde de ce début de XXIème siècle, il est certain que la suite de ce texte que Lénine faisait publier en mars 1923 ne manque pas d'un certain piment :
"L'issue de la lutte dépend finalement de ce fait que la Russie, l'Inde, la Chine, etc., forment l'immense majorité de la population du globe. Et c'est justement cette majorité de la population qui, depuis quelques années, est entraînée avec une rapidité in-croyable dans la lutte pour son affranchissement."

Comme on le voit, la doctrine du socialisme dans un seul pays s'insère dans un plan grandiose. D'où le caractère crucial de la politique à suivre pour le mettre en oeuvre. D'où l'intérêt, pour Staline, de disposer des indications fournies par Vladimir Ilitch Lénine, mais aussi par Karl Marx et par Friedrich Engels, et, au-delà, par l'évolution de fond de la société bolchevique.

Restons-en pour l'instant à Lénine qui poursuit ses explications de mars 1923 :
"Ce qui nous intéresse, c'est la tactique que nous devons suivre, nous, Parti communiste de Russie, nous, pouvoir des Soviets de Russie, pour empêcher les Etats contre-révolutionnaires de l'Europe occidentale de nous écraser."

Ce qui n'est évidemment pas la préoccupation rétrospective principale de personnages comme Robert Conquest. Ils savent, eux, que le bolchevisme est une monstruosité humaine, à la différence des anges de l'impérialisme qui, à ce moment que nous évoquons, étaient déjà repartis, en pensée, vers le second conflit mondial... qui ferait plus de vingt millions de victimes rien qu'en Union soviétique.

Sans réussir à la briser : Staline était bien là. Et la ligne politique définie par Lénine toujours bien vivante. D'où l'intérêt des dominants d'aujourd'hui, en Europe allemande, de nous faire perdre le fil d'une Histoire qui a bel et bien été écrite, et qu'il ne s'agit que de savoir lire pour mesurer le potentiel de libération que cette Histoire soviétique recèle, et regarder l'avenir avec bien plus d'assurance.