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Les crimes de Staline... Quelles preuves ?
10 mai 2012

35. La sécurité qu'apportent une pauvreté et une arriération soigneusement gérées

     Relativement à l'ensemble de la société prussienne d'après la chute de Napoléon, l'émancipation générale des Juifs ne recueille vraiment pas les suffrages d'Hannah Arendt qui affirme (page 292) :
     "L'intervention du gouvernement fut sur le plan social tout aussi désastreuse. Non seulement les classes opposées au gouvernement, donc ouvertement hostiles aux Juifs, mais toutes les couches de la société comprirent plus ou moins que les Juifs qu'elles connaissaient n'étaient pas des exceptions individuelles mais des membres d'un groupe en faveur duquel l'Etat s'apprêtait à prendre des mesures exceptionnelles. C'est exactement ce que les "Juifs d'exception" avaient toujours redouté."

     Les conséquences, pour ceux auxquels Hannah Arendt s'identifie en toute conscience, sont redoutables et, tout à la fois, très significatives du soubassement inhumain sur lequel reposait la dignité que, selon elle, ils avaient établie au détriment des Juifs plus ou moins "pauvres" ou "arriérés", et proportionnellement à l'importance de cet abaissement (page 292) :
     "Les nombreuses correspondances montrent que les intellectuels comme les aristocrates commencèrent alors à diriger leur mépris des Juifs d'Europe orientale, qu'ils connaissaient à peine, contre les Juifs cultivés de Berlin qu'ils connaissaient très bien."

     Et sans crier gare, nous avons glissé en direction de la catégorie des "Juifs d'exception" qui intéresse plus particulièrement madame Arendt elle-même : celles des Juifs cultivés. Voici ce qu'elle nous en dit (page 292) :
     "Ceux-ci n'allaient plus jamais [ce qui nous conduit jusqu'à l'époque d'Hannah Arendt elle-même] retrouver le sentiment de dignité qui naît de la conscience collective d'être exceptionnel [elle l'aura écrit...] ; dorénavant, chacun devait prouver que, bien que juif, il n'était pas vraiment juif. Il ne suffisait plus de se distinguer d'une masse presque inconnue de 'coreligionnaires arriérés'. Il fallait être l'individu que l'on félicite parce qu'il est une exception, qui se distingue 'du Juif', donc du peuple juif tout entier."

     Ayant posé, dans toute son acuité, le problème du nouvel héroïsme nécessaire au Juif cultivé, Hannah Arendt entreprend désormais de nous initier à la complexité interne de la communauté juive par rapport à la société prussienne en général (page 293) :
     "Il importe de ne pas oublier que l'assimilation ne prit le caractère d'un phénomène de groupe que chez les intellectuels juifs." Au-delà, "les Juifs de cour et leurs successeurs, les banquiers et hommes d'affaires juifs d'Europe occidentale, ne furent jamais considérés comme socialement acceptables, et d'ailleurs ils ne se souciaient guère de franchir les frontières très étroites de leur ghetto invisible."

     Alors que les Juifs cultivés trouvent, à l'intérieur de la communauté juive, leur mesure dans la distance qui les sépare des Juifs "arriérés", nous renouons, pour les Juifs riches, avec le double critère que nous connaissons désormais très bien (page 293) :
    "Au début, comme tous les parvenus candides, ils étaient fiers d'être sortis d'un milieu où régnaient la misère et la pauvreté ; plus tard, quand ils furent attaqués de toutes parts, ils eurent besoin de la pauvreté et même de l'arriération des masses juives, qui devinrent le garant et le signe de leur propre sécurité."

     Sécurité ?... Pourquoi donc la pauvreté et l'"arriération"  des "masses juives" peuvent-elles être considérées comme le "garant" et le "signe" de la sécurité des Juifs riches ? La suite montre que c'est là quelque chose que ces derniers travaillent (sans doute ne sont-ils pas les seuls parmi les classes fortunées...) (page 293) :
     "Lentement, et à contrecoeur, ils durent renoncer aux exigences les plus rigoureuses de la loi juive - ils n'abandonnèrent jamais complètement les traditions religieuses - mais n'en veillèrent qu'avec plus de sévérité à l'orthodoxie des masses juives."

     Effectivement, il s'agissait d'organiser, dans un monde éventuellement dangereux, une façon d'Etat dans l'Etat (page 293) :
     "Lorsque les communautés juives perdirent leur autonomie, ces Juifs riches voulurent à tout prix à la fois les protéger contre les autorités et les gouverner avec l'aide de l'Etat, si bien que l'on put dire à juste titre que les Juifs pauvres tombèrent sous la "double dépendance du gouvernement et de leurs coreligionnaires fortunés'.

     Voilà donc le remède attendu à l'égalitarisme ambiant : la hiérarchie et les rapports spécifiques que sous-tend la richesse à l'intérieur de la communauté juive elle-même.

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